Des maisons intelligentes pour vieillir chez soi

Des chercheurs d’Ottawa travaillent avec des entreprises canadiennes en démarrage, des multinationales et d’autres partenaires pour mettre au point des technologies intelligentes afin de transformer nos maisons et de soutenir le vieillissement chez soi, un concept qui est largement adopté à l’époque de la COVID.

Au « petit appartement » de SAM3, des chercheurs mettent à l’essai une technologie de détection de la chaleur qui peut montrer la complexité des repas.

Des capteurs disponibles sur le marché à petit prix, de nouveaux capteurs et d’autres appareils sont en voie d’être adaptés et améliorés pour aider les adultes âgés à demeurer en santé, en sécurité et autonomes, tout en réduisant les pressions sur les aidants naturels et le système de santé.

Les travaux novateurs sont liés à un centre national d’innovation d’AGE-WELL appelé SAM3 (Capteurs et analytique de suivi mobilité-mémoire), lancé en 2017 pour relever les défis liés à la mobilité et à la mémoire auxquels font face les personnes âgées. SAM3 est une initiative commune d’AGE-WELL, de l’Institut de recherche Bruyère et de l’Université Carleton.

« Il s’agit d’utilisations novatrices de la technologie qui pourraient bientôt appuyer la santé et le bien-être des personnes âgées à la maison », affirme Bruce Wallace, directeur général de SAM3 et professeur auxiliaire en génie informatique et des systèmes à l’Université Carleton. « La pandémie a fait ressortir à quel point il est important d’aider les personnes âgées à vivre chez eux en vieillissant ».

Certaines des nouvelles approches ont été élaborées et mises à l’essai dans un « appartement intelligent » d’une chambre à coucher, à l’Hôpital Élisabeth-Bruyère d’Ottawa, tandis que d’autres sont mises à l’essai dans la collectivité, y compris dans les foyers des chercheurs eux-mêmes.

Il y a quelque chose pour chaque pièce de la maison.

Dans la cuisine, les chercheurs tentent d’adapter des capteurs de mouvement et de contact intelligents disponibles dans le commerce pour surveiller des endroits importants comme l’évier, la cuisinière et le réfrigérateur afin d’estimer l’apport nutritionnel des personnes âgées, d’indiquer leur capacité à prendre soin d’elles-mêmes et de montrer tout changement cognitif au fil du temps.

Grâce à un partenariat entre AGE-WELL et Best Buy Canada, le nouveau système de surveillance des activités à domicile « Vivez Rassurés » de l’entreprise est en cours d’évaluation pour voir comment il peut être utilisé par les personnes âgées et les aidants naturels pour accroître leur autonomie.

Les chercheurs de SAM3 étudient de nouvelles applications pour de telles solutions basées sur les capteurs afin que « la technologie, au lieu de seulement détecter le mouvement, recueille des informations sur les activités de la vie quotidienne, qui sont une mesure essentielle du bien-être », affirme le Dr Frank Knoefel, médecin du Programme de la mémoire Bruyère et chercheur principal à l’Institut de recherche Bruyère.

Selon le Dr Knoefel, de nouvelles applications pour des caméras thermiques de détection de chaleur, dont le prix diminue en raison de leur utilisation dans des domaines comme les vérifications de l’énergie domestique, « pourraient ajouter un niveau de détail supplémentaire ». Des recherches sont en cours pour alerter la personne âgée ou l’aidant naturel de points chauds suggérant des problèmes, comme un brûleur laissé allumé par erreur ou une casserole qui chauffe à vide.

Une telle technologie pourrait également montrer la complexité des repas, des boissons et des collations préparés, par exemple, si une personne réchauffe un mets préparé ou cuisine un repas complet à partir de zéro. Cela pourrait indiquer si la personne fait des choix alimentaires sains et donner un aperçu de ses capacités physiques et cognitives.

Le Dr Frank Knoefel (Institut de recherche Bruyère) et l’étudiant Haoyang Liu, de l’Université Carleton, font partie d’une équipe qui travaille sur des systèmes à capteurs pour évaluer la qualité du sommeil et surveiller la santé pendant le sommeil.

« Je crois que les systèmes en cours d’élaboration changeront vraiment la donne pour les personnes âgées et leurs aidants naturels », déclare le Dr Knoefel. La technologie aidera à définir les modèles de comportement et les changements dans les routines qui pourraient être des signes précoces de problèmes de santé futurs qui peuvent être évités. « Nous nous approchons des solutions qui font une vraie différence dans la vie des gens. »

Dans la chambre à coucher, la recherche est axée sur les technologies futures afin d’inclure des tapis sensibles à la pression, potentiellement utilisés comme surmatelas, qui sont intégrés à de nombreux capteurs. Ces derniers peuvent être utilisés pour mesurer les signes vitaux, évaluer la qualité du sommeil et suivre les mouvements des personnes, en indiquant si elles sont susceptibles d’avoir des plaies de pression.

Plusieurs tapis à base de capteurs existants, y compris un capteur de lit Vivez rassurés de Best Buy, sont mis à l’essai comme moyens potentiels de surveiller les changements dans le temps passé au lit et la fréquence de sortie du lit. L’augmentation du nombre de visites à la salle de bain le soir, par exemple, pourrait être un signe d’infection de la vessie. L’équipe étudie également des capteurs de lits de nouvelle génération combinant des capteurs optiques et un gel innovant de Hexyoo Scientific, un partenaire, afin d’accroître les capacités et de réduire les coûts.

« Le lit est un endroit prévisible où cette technologie nous permet d’en apprendre beaucoup sur les gens de façon continue », explique Rafik Goubran, chercheur principal du projet, qui est professeur d’ingénierie et vice-président de Research and International, à l’Université Carleton. Par exemple, il affirme que les données extraites du tapis peuvent indiquer des informations cliniques importantes telles que les schémas respiratoires, la présence d’apnée du sommeil, la qualité du sommeil et les caractéristiques de sortie du lit.

L’idée est que les données recueillies par les capteurs soient envoyées au nuage pour être traitées. Cette partie du travail est assurée en collaboration avec Telus. Un outil d’analyse des données d’IBM est utilisé pour aider à extraire des renseignements des données. Après le traitement des données, un certain nombre de choses pourraient alors se produire : la personne âgée pourrait recevoir un message vocal, un aidant naturel pourrait être averti ou, dans le cas d’un problème grave comme une chute, le 911 serait contacté.

M. Goubran fait remarquer que ce genre de système de maison intelligente sera important pour les Canadiens de tous âges qui se rétablissent à la maison après avoir été hospitalisés. « Les patients pourraient être renvoyés chez eux plus tôt s’il existait des systèmes de surveillance à domicile qui pourraient alerter les professionnels de la santé sur les personnes qui ne se rétablissent pas bien. »

La coordonnatrice de la recherche à Bruyère, Laura Ault, présente un capteur qui fait partie d’un système de détection et de détournement de l’errance qui utilise des capteurs de mouvement, de contact et de lit pour détecter les mouvements d’un dormeur qui sort du lit.

Dans la salle de bain, les personnes âgées sont particulièrement sujettes aux chutes. Il est essentiel de prévenir les chutes et de veiller à ce que les personnes âgées prennent les mesures d’hygiène appropriées. Ici, les chercheurs de SAM3 travaillent en partenariat avec une entreprise montréalaise appelée Aerial Technologies qui utilise des signaux wifi pour détecter les mouvements des utilisateurs et déterminer leurs actions. La technologie, qui surveille l’évolution des tendances dans les réseaux wifi à mesure que quelqu’un se déplace dans un espace, est non invasive et contourne l’utilisation des caméras vidéo, ce qui soulèverait inévitablement des préoccupations en matière de protection de la vie privée.

Partout dans la maison, un système de détection et de détournement de l’errance nocturne pour les personnes atteintes de démence développé par le Réseau local d’intégration des services de santé de Champlain et SAM3 a déjà été mis à l’essai dans 20 foyers d’Ottawa. Les résultats montrent que le système est efficace pour réduire le stress des aidants naturels. Il utilise des capteurs, un éclairage spécial et des messages pour détecter les mouvements des personnes lorsqu’elles sortent du lit et les encourager à y retourner. L’aidant naturel n’est réveillé que si la personne tente de quitter la maison.

Lois Chetelat, 80 ans, dont le mari, Gerard, âgé de 94 ans, est atteint de démence, a testé le système pendant un mois en tant qu’aidante naturelle. Elle a trouvé que cela l’aidait à se sentir moins anxieuse et plus en sécurité. Son mari s’était déjà promené au bout de la rue et dans la cour d’un voisin et, explique-t-elle : « je fonctionnais sur le pilote automatique. Ma propre santé se détériorait parce que je ne pouvais pas dormir la nuit ».

Avec le système d’essai installé, « je pouvais rester endormi en sachant que Gerard ne pourrait pas sortir à mon insu », déclare Chetelat, une ancienne infirmière qui est membre du comité consultatif communautaire de SAM3. « Tout ce qui peut aider la personne atteinte de démence et la personne qui prend soin d’elle est important. Cette recherche est essentielle. »

Lois et Gerard Chetelat, qui est atteint de démence, ont participé à une étude de SAM3 sur un système de détection et de détournement de l’errance conçu pour soutenir les aidants naturels et les personnes atteintes de démence.

M. Wallace, directeur général de SAM3 , affirme que le produit de détection de l’errance nocturne utilise une technologie de maison intelligente disponible sur le marché, de sorte qu’il ne sera pas difficile à mettre en place chez les gens.

Un autre système de surveillance à la grandeur d’un appartement testé par SAM3 utilise des capteurs connectés à la télévision pour suivre les signes vitaux des adultes âgés. Par exemple, leur fréquence cardiaque et leur taux d’oxygène dans le sang sont saisis à l’aide d’un capteur pour le doigt et les résultats sont transmis automatiquement à la télévision, où l’adulte plus âgé ou l’aidant naturel peut facilement les voir et les partager avec son équipe de santé. La technologie est mise au point en partenariat avec Safety Labs, qui est également appuyée par Mitacs. Elle fonctionne au moyen d’une interface simple d’utilisation qui est couramment disponible chez les gens, explique M. Wallace : « Cela signifie que je n’ai pas besoin d’apprendre à quelqu’un à utiliser une application compliquée et qu’il n’a pas besoin d’avoir un téléphone intelligent ou une tablette ».

Des capteurs qui peuvent être placés dans des corridors pour mesurer la vitesse de marche des gens lorsqu’ils se déplacent dans leur maison sont également à l’évaluation. L’objectif est d’identifier les personnes risquant de chuter afin que des mesures puissent être prises. Le système de capteur, mis au point par des chercheurs de l’Oregon Health & Science University, est mis à l’essai chez des gens partout en Amérique du Nord. L’étude AGE-WELL est dirigée par M. Goubran et le Dr Neil Thomas de l’Institut de recherche Bruyère.

Bruce Wallace, directeur général, SAM3, avec la soignante familiale Mary Huang. Les aidants naturels et les adultes âgés sont des acteurs clés du SAM3.

Les adultes âgés et les aidants naturels sont des acteurs clés de SAM3. « Ils cernent le défi ou le problème et nous disent de la façon la plus directe possible si notre réponse fonctionne », déclare M. Wallace.

Comme d’autres initiatives d’AGE-WELL, le centre SAM3 réunit des professionnels de la santé, des chercheurs, des stagiaires et des membres de l’industrie, d’organismes sans but lucratif et du gouvernement, ainsi que des adultes âgés et des aidants naturels. AGE-WELL est un Réseau de centres d’excellence financé par le gouvernement fédéral.

Selon Heidi Sveistrup, PDG et directrice scientifique de l’Institut de recherche Bruyère ainsi que vice-présidente de la recherche et des affaires académiques de Bruyère, les cliniciens et les ingénieurs doivent pouvoir s’engager les uns avec les autres, tandis que les chercheurs et les entreprises qui offrent des produits doivent également collaborer.

« Le centre SAM3 est unique et très nécessaire parce qu’il offre un endroit où cela est possible », ajoute-t-elle.

 

Les photos ont été prises par John Hryniuk en février 2020.