Les troubles de la mémoire et de la mobilité figurent parmi les problèmes les plus courants que vivent les personnes âgées; une réalité qui n’échappe pas à Mary Huang, ingénieure et titulaire d’une maîtrise en administration des affaires, qui s’occupe de ses parents vieillissants depuis plusieurs années.
Cette résidente d’Ottawa a cessé de voyager et s’est ensuite absentée du travail pour s’occuper de son père, Peter, âgé de 90 ans, qui souffre de démence vasculaire et de la maladie d’Alzheimer, et de sa mère, Anna, âgée de 86 ans, qui souffre de démence vasculaire, d’insuffisance cardiaque congestive et qui a fait six chutes au cours des six derniers mois.
« Je ne dors pas très bien ces jours-ci », déclare Mme Huang, qui espère trouver bientôt un soulagement dans la vaste gamme de nouvelles technologies mises au point par un Centre national d’innovation AGE-WELL appelé Sensors and Analytics for Monitoring Mobility and Memory (SAM3), ou « Capteurs et analytique de suivi mobilité-mémoire ». Il a ouvert ses portes à Ottawa en novembre 2017 pour s’attaquer aux problèmes de mobilité et de mémoire chez les personnes âgées.
Collaboration entre AGE-WELL, l’Institut de recherche Bruyère et l’Université Carleton, le Centre SAM3 propose un laboratoire-appartement ressemblant à une maison typique situé à l’Hôpital Élisabeth-Bruyère, ainsi qu’un site de conception, de développement et d’essai à l’Université Carleton. Ce centre rassemble des professionnels de la santé, des chercheurs, des secteurs industriels, des organismes sans but lucratif, des personnes âgées et des aidants naturels afin de mettre au point des systèmes de domotique et d’autres technologies qui permettent aux personnes âgées d’être aussi en santé, en sécurité et indépendantes que possible.
« Au fur et à mesure que les gens vieillissent, beaucoup développent des problèmes de santé, ainsi que des défis en matière de capacité cognitive et de mobilité », affirme le Dr Frank Knoefel, médecin au Programme de la mémoire à l’Hôpital Élisabeth-Bruyère et chercheur principal à l’Institut de recherche Bruyère. Les solutions technologiques mises au point au Centre SAM3 font appel à de l’équipement commercial économique comme des capteurs qui, lorsqu’ils sont adaptés et améliorés, peuvent fournir des renseignements importants aux familles et aux professionnels de la santé. Tout cela vise à soutenir le vieillissement chez soi.
Il peut s’agir d’une solution aussi simple qu’un capteur placé sur une cuisinière pour indiquer qu’une casserole continue de chauffer à vide. D’autres systèmes de capteurs peuvent illuminer le parcours jusqu’à la salle de bain ou percevoir les comportements d’errance nocturne (voir l’article ci-dessous). Les tapis sensibles à la pression placés sous un matelas peuvent faire un suivi des mouvements d’une personne pendant le sommeil. Nous pourrons ainsi agir rapidement pour aider à prévenir les plaies de lit, préoccupation importante pour les personnes qui sont incapables de changer de position facilement. Les tapis de capteurs peuvent également indiquer si une personne est instable lorsqu’elle se lève du lit.
D’autres dispositifs sont en cours de développement pour surveiller et prévoir l’état des capacités cognitives d’une personne, selon ses activités quotidiennes et sa capacité à utiliser des objets de la vie courante.
« La recherche couvre l’ensemble du spectre », explique Rafik Goubran, professeur en ingénierie et vice-président aux recherches et aux relations internationales de l’Université Carleton. « Nous intégrons de nombreux capteurs pour trouver des solutions pratiques aux problèmes réels. Les données provenant de ces capteurs non invasifs permettront de signaler tout indice de la présence de problèmes chez les adultes plus âgés avant que la situation ne s’aggrave. »
Bruce Wallace, directeur général du Centre SAM3 et professeur auxiliaire en génie informatique et en systémique à l’Université Carleton, affirme que la recherche a déjà pris de l’ampleur, passant du « laboratoire vivant » à Bruyère à l’essai de systèmes dans les maisons des gens. Il fait également appel à des partenaires communautaires comme le Centre de santé Perley et Rideau pour anciens combattants et le Réseau local d’intégration des services de santé de Champlain, ainsi qu’à des partenaires de l’industrie comme IBM, Telus et Aerial Technologies de Montréal.
Les systèmes sophistiqués issus du Centre SAM3 contribueront à la qualité de vie tout en créant des avantages économiques, affirme Heidi Sveistrup, chef de la direction et directrice scientifique intérimaire à l’Institut de recherche Bruyère. « Les questions relatives à la protection de la vie privée et à la collecte de données font l’objet d’un examen attentif », fait-elle remarquer.
Pour sa part, Mme Huang espère que les nouvelles technologies de capteurs permettront aux personnes âgées comme ses parents de rester à la maison, compte tenu des avantages qu’elles en retirent, ainsi que du coût élevé des maisons de retraite privées et de la disponibilité limitée des soins de longue durée. « Nous avons besoin de solutions de grande qualité, fiables et à prix abordables », dit-elle. « Beaucoup de défis nous attendent, mais nous faisons des progrès. »’
Errance nocturne
Deux projets de recherche soutenus par AGE-WELL utilisent des capteurs, un éclairage spécial et des messages pour détecter les mouvements des personnes lorsqu’elles sortent du lit et pour les encourager à y retourner.
« Les gens ont besoin d’aide cognitive tard le soir », déclare Hélène Pigot, professeure d’informatique à l’Université de Sherbrooke. Elle construit une plateforme de capteurs et des messages qui permettent aux membres de la famille ou aux partenaires des soins de choisir la meilleure option.
« Il peut s’agir d’un enregistrement de la voix de la fille qui dit : « Bon maman, tout le monde dort, tu peux retourner au lit maintenant », indique Mme Pigot. Elle ajoute que certaines personnes préfèrent les messages avec des voix anonymes ou de la musique.
Bruce Wallace, professeur auxiliaire à l’Université Carleton et directeur général du Centre d’innovation SAM3 d’AGE-WELL, a mis en place un système qui comprend des capteurs de lit pour suivre les habitudes nocturnes d’une personne. Si on détecte l’errance d’une personne, d’autres technologies sont activées : une veilleuse s’allume, un message vocal se fait entendre et, finalement, l’aidant naturel est alerté, au besoin.
« Nous voulons aider la personne atteinte de démence à retourner au lit si nous le pouvons », explique M. Wallace. « Cela donne un sentiment de sécurité à l’aidant naturel en ne le réveillant que si la personne atteinte de démence tente de quitter la maison. »