Pour les personnes atteintes d’Alzheimer et d’autres problèmes de démence, le domicile peut devenir un environnement dangereux. Imaginez maintenant un « domicile intelligent » doté de détecteurs pour assurer la protection et l’autonomie des gens aussi longtemps que possible. Les chercheurs d’AGE-WELL espèrent réaliser cet objectif au cours des années à venir.
L’idée est de créer un domicile adapté aux particularités et aux habitudes de chaque personne, explique Hélène Pigot, professeure d’informatique à l’Université de Sherbrooke : un système sur mesure qui inclurait des fonctions telles que des capteurs infrarouges dans le plancher qui illuminent le parcours du lit à la salle de bain, une poubelle qui indique qu’elle est pleine et quel jour il faut la vider, un plateau repas qui donne des conseils sur le bon ordre à suivre pour manger et un four qui rappelle aux utilisateurs de l’allumer et, plus important encore, de l’éteindre.
“Nous voulons redonner autant d’autonomie et de contrôle que possible aux gens”, précise Mme Pigot, cofondatrice du laboratoire DOMUS à l’Université de Sherbrooke, qui travaille à des innovations afin d’aider les gens ayant des déficits cognitifs imputables entre autres à des traumatismes crâniens, à la schizophrénie et la maladie d’Alzheimer. “Compte tenu du vieillissement rapide de la population, il est tellement important de créer des outils qui offrent aux gens la possibilité de rester chez eux, de conserver leur autonomie à peu près intacte, et de profiter d’une vraie qualité de vie”.
Mme Pigot et ses collaborateurs créent les outils de haute technologie, mais les aidants naturels apportent des contributions essentielles et, au bout du compte, ce sont eux qui choisiront et installeront les bons outils au domicile de leurs proches.
Jesse Hoey, codirecteur du projet, parle d’une approche “libre-service” de la domotique. “Les aidants naturels connaissent les habitudes de la personne âgée et peuvent adapter les fonctions de domotique aux besoins de cette personne”, déclare M. Hoey, professeur agrégé d’informatique à l’Université de Waterloo.
Alex Mihailidis, professeur au Département de sciences du travail et d’ergothérapie de l’Université de Toronto, est un autre intervenant de la domotique — et un des directeurs scientifiques d’AGE-WELL. Il a créé un appareil appelé COACH qui utilise l’intelligence artificielle, des capteurs et des indices audiovidéo pour accompagner les personnes atteintes de démence tout au long des étapes du lavage des mains et du brossage des dents.
“Les capteurs peuvent aider les gens atteints de démence à accomplir toutes sortes de tâches, comme se brosser les dents, s’habiller, préparer un repas ou se faire une tasse de thé. C’est une question de sécurité — et d’autonomie”, explique-t-il.
Son équipe a également mis au point un système d’intervention d’urgence pour détecter les chutes à domicile. Grâce à l’intelligence artificielle et à la vision artificielle, le système “apprend” les habitudes d’une personne et sait détecter les problèmes. Il peut interagir avec la personne et appeler au secours lorsqu’il y a lieu.
Mme Pigot imagine que les capteurs pourraient détecter qu’une personne est en détresse et lui venir en aide grâce à une combinaison apaisante d’éclairage et de musique. “La personne peut penser qu’il fait jour alors qu’il fait nuit et ne pas pouvoir retourner au lit. Notre objectif vise à réduire l’anxiété d’une personne désorientée pendant la nuit, pour qu’elle puisse retourner dormir”.
Idéalement, les fonctions de domotique seront également intégrées au domicile d’aînés en bonne santé, ce qui leur permettra de s’habituer aux technologies, de dire M. Hoey. “La domotique libre-service vise à fournir de l’aide sur de longues périodes pour soutenir les personnes âgées à mesure que leur capacité fonctionnelle et leur état de santé se détériorent”.
Les maisons intelligentes pourront également anticiper les problèmes. M. Mihailidis est en train de mettre au point des “algorithmes prédictifs” pour déterminer qui développera une démence — en recueillant de l’information sur les habitudes au quotidien.
“À l’heure actuelle, les soins de santé au pays sont plutôt réactifs. Nous voulons être proactifs, afin d’agir avant qu’il ne soit trop tard”, souligne M. Mihailidis, titulaire de la chaire Barbara G. Stymiest pour les recherches en technologies de réadaptation à l’Institut de réadaptation de Toronto. “Les maisons intelligentes réduiront également le fardeau imposé aux aidants naturels et contribueront à éloigner les gens des hôpitaux et des centres de soins de longue durée. Tout le monde y gagne.”