Qu’arrive-t-il au ‘cadre de vie’ et à la mobilité des personnes âgées atteintes de démence qui ont perdu leur aptitude à conduire?

Les membres du réseau d’AGE-WELL prennent part à un projet pilote novateur prenant place dans les rues de Toronto.

L’étude rassemble des enquêteurs d’AGE-WELL, de Baycrest Health Sciences, du Sunnybrook Health Sciences Centre et de notre partenaire SafeTracksMC GPS Canada Inc., avec un financement provenant du Consortium canadien en neurodégénérescence associée au vieillissement (CCNV). Combinant la technologie GPS portable et des algorithmes personnalisés, l’étude vise à déterminer la façon dont sont touchés le ‘cadre de vie’ et la mobilité des personnes âgées atteintes de démence qui ont perdu leur aptitude à conduire.

Le cadre de vie est l’empreinte géographique que laisse dans la collectivité une personne qui y vit et y exerce ses activités. Il englobe le tracé et la fréquence des déplacements, ainsi que les destinations visées et le temps passé à l’extérieur du foyer. Il s’agit d’une mesure importante de la qualité de vie.

Selon Alex Mihailidis, directeur scientifique d’AGE-WELL et l’un des enquêteurs principaux dans le cadre de l’étude : “Pour mesurer le cadre de vie, il nous faut de nombreux types renseignements, pas seulement ceux portant sur l’emplacement et la destination d’une personne. Nous voulons comprendre les caractéristiques de ce que fait cette personne, le type de moyen de transport qu’elle utilise. Nous avons dû créer de nouveaux algorithmes pour obtenir ces caractéristiques à partir des données GPS.”

L’étude est codirigée par deux autres enquêteurs principaux, le Dr Gary Naglie, gériatre du centre Baycrest, et le Dr Mark Rapoport, gérontopsychiatre du centre Sunnybrook. Elle fait partie d’un projet plus vaste du CCNV sur la démence et la perte de l’aptitude à conduire, qui vise à mettre au point des programmes et des ressources de soutien à l’intention des personnes âgées atteintes de démence, et de leurs familles, qui pensent à cesser de conduire ou qui ont déjà cessé de conduire. L’objectif est de contribuer à maintenir l’engagement communautaire et à favoriser leurs déplacements à l’extérieur du foyer.

La recherche a démontré que la perte de l’aptitude de conduire peut avoir une incidence grave sur la vie des personnes. Le Dr Naglie explique : “Les personnes touchées ont tendance à s’isoler socialement et, souvent, sont frappées de dépression; la perte de l’aptitude à conduire peut causer un déclin de leurs facultés fonctionnelles dont les effets vont croissant, ce qui peut contribuer à décroître leur socialisation et à accroître le risque d’institutionnalisation, voire de décès.”

Mme Sayeh Bayat, étudiante à l’Université de Toronto et associée de recherche, remet un appareil de suivi GPS à un bénévole en bonne santé participant au groupe témoin de l’étude.

Mme Sayeh Bayat, étudiante à l’Université de Toronto et associée de recherche, remet un appareil de suivi GPS à un bénévole en bonne santé participant au groupe témoin de l’étude.

Les participants au projet pilote de Toronto sont des adultes âgés atteints de démence, chacun jumelé à un aidant naturel, et un groupe de comparaison formé d’adultes âgés n’étant pas atteints de démence.

Les participants à l’étude utilisent l’appareil GPS PRIME MOBILEMC à cordon de retenue fourni par SafeTracksMC, société de Red Deer, en Alberta, et partenaire d’AGE-WELL. Les données GPS fournissent, par intervalles répertoriés d’une minute, les coordonnées de longitude et de latitude du porteur, la direction qu’il a prise et sa vélocité.

En outre, les algorithmes créés par les enquêteurs d’AGE-WELL interprètent les données GPS de manière à déterminer les modes de transport utilisés par le porteur, dont l’automobile, l’autobus, le métro, le tramway et la bicyclette, ainsi que la marche. Les algorithmes mesurent aussi le cadre de vie, soit le secteur couvert par chaque personne dans sa vie de tous les jours. Les représentations ou cartes du cadre de vie pour chaque participant à l’étude seront préparées, et une comparaison sera effectuée avant et après la perte de l’aptitude à conduire.

Les résultats de l’étude pourraient avoir des incidences sur les politiques et services offerts en matière de transport et servir de base aux stratégies communautaires en matière de démence.

Sayeh Bayat, associée de recherche, membre du HQP (personnel hautement qualifié) d’AGE-WELL et qui prépare actuellement une maîtrise en génie biomédical, déclare : “C’est merveilleux de penser aux effets possibles à long terme de cette étude. Le simple fait de constater à quel point la vie de quelqu’un peut changer en ce qui a trait à son engagement social et à sa mobilité dans la communauté me rend tellement heureuse.” Mme Bayat a veillé au développement des algorithmes et s’occupe de la formation des participants à l’étude sur l’utilisation du GPS.

La première phase du projet pilote, qui est en cours, durera quatre semaines, avec deux adultes âgés atteints de démence, chacun jumelé à un aidant naturel, et deux autres adultes âgés n’étant pas atteints de démence. Le but de cette première phase consiste à tester les algorithmes, en plus de s’assurer que les personnes atteintes de démence sont en mesure d’utiliser l’appareil GPS. La deuxième phase du projet pilote durera 12 semaines et réunira 30 participants, soit 10 personnes âgées atteintes de démence, chacune d’elles étant accompagnée de leur aidant naturel, et 10 autres adultes âgés n’étant pas atteints de démence.

Les chercheurs sont d’avis que le GPS et les algorithmes représentent une manière plus objective de définir le cadre de vie que l’approche habituelle, qui consiste à demander aux participants à l’étude de tenir un journal de leurs activités dans la collectivité.  Les données notées au quotidien peuvent s’avérer problématiques, car elles sont fondées sur la mémoire d’une personne, son estimation du passage du temps et son évaluation des distances, ainsi que sur d’autres variables.

Pour le Dr Rapoport : “Ce qui m’enthousiasme le plus, c’est la façon dont les technologies ont progressé et nous aident désormais à répondre à d’importantes questions de nature clinique, dans ce cas-ci pour mettre au point une mesure objective des résultats qui seront être utilisés dans de nombreuses études différentes afin de refléter la qualité de vie des personnes atteintes de démence.”

Vince Morelli, président de SafeTracksMC, affirme que la société est enchantée de participer à une étude si novatrice. “Pour nous, le fait que notre technologie rende possible cet important projet est un honneur. SafeTracksMC se consacre à la création de technologies et de services qui fourniront des solutions aux personnes vivant avec la maladie d’Alzheimer, la démence, l’autisme ou le TSPT. Notre objectif consiste à aider ces personnes à conserver leur indépendance, leur santé et leur qualité de vie et à accroître leur sécurité tout en offrant aux membres de leur famille et à leurs aidants naturels la paix de l’esprit.”

Morelli est d’avis que le suivi du cadre de vie pourrait générer, avec le temps, des données utiles aux professionnels de la santé s’occupant des personnes à risque. Par exemple, il indique qu’un changement survenu dans le cadre de vie pourrait servir de « sonnerie d’alarme » pour alerter la famille et le personnel soignant dans le cas de modifications à l’état de santé d’une personne chère.