À mi-chemin d’une intense fin de semaine de brassage d’idées, Elly Park a connu un moment de grâce. C’est arrivé au campus de l’Université de l’Alberta, à la Edmonton Clinic Health Academy, où 120 personnes étaient réunies dans le cadre du Hackathon d’Edmonton de Hacking Health, une compétition dont le but est l’innovation au service des adultes d’âge avancé.
Park, nouvellement Ph. D. en sciences de la réadaptation, jouait un rôle aussi unique qu’exigeant, à la fois organisatrice et participante avec ses pairs de différentes disciplines pour concevoir une application de narration numérique.
Samedi, vers l’heure du dîner, son équipe a eu une révélation.
« Nous avons eu un éclair de génie », raconte-t-elle.
« Les techniciens-développeurs voyaient cela comme un exercice d’écriture de code. Mais nous avons compris que le but ultime, c’était plutôt de créer un produit, un prototype utile pour les personnes atteintes de démence. Dès lors, le niveau d’énergie a augmenté d’un cran. L’équipe pensait ne rien avoir à proposer jusque-là, mais, le dimanche, nous avions un prototype en main », explique-t-elle.
Les organisateurs de l’événement parrainé par AGE-WELL ne savaient pas trop à quoi s’attendre. Au total, treize équipes étaient sur la ligne de départ cette fin de semaine. De nombreux participants provenaient du milieu universitaire, mais des professionnels de tous horizons comme des infirmières, médecins et entrepreneurs figuraient aussi dans les rangs. Sur recommandation d’AGE-WELL, chacune des équipes accueillait aussi des représentants de plusieurs disciplines qui n’interagissent que très peu d’ordinaire : concepteurs, étudiants en gestion des affaires, ingénieurs, informaticiens et autres acteurs de la santé.
« J’y suis allée avec un peu d’appréhension, mais les résultats nous ont vraiment ravis », raconte Lili Liu, qui est à la tête du département d’ergothérapie de la faculté de médecine réadaptative de l’Université.
Elle a d’ailleurs fait remarquer que, souvent, ce genre d’événements a lieu dans le cadre d’un congrès dont le coût d’inscription élevé fait fuir les étudiants. Ce hackathon est différent.
« C’était génial, c’était convivial et les étudiants étaient de la partie », souligne-t-elle.
Liu codirige le volet de recherche d’AGE-WELL sur l’emploi des technologies pour préserver une bonne santé mentale et cognitive, dont l’objectif est de développer les technologies de l’information pour notamment aider les adultes d’âge avancé à gérer leurs propres signes et symptômes de dépression et d’anxiété.
Park fait partie de cette équipe. Eleni Stroulia, professeure au département de sciences informatiques de l’Université de l’Alberta, codirectrice du même volet de recherche et figure clé du hackathon, en fait également partie.
« Mes étudiants ont vraiment aimé l’événement, lance-t-elle. Je trouve en fait que c’est une bonne préparation pour mes cours, car un tel exercice leur apprend qu’ils peuvent créer quelque chose de concret. »
Outre l’objectif de développer des produits, le hackathon est véritablement un exercice d’apprentissage qui permet aux chercheurs de travailler ensemble, ce qui se produit rarement à cause d’une certaine méfiance ou d’une certaine incompréhension.
Liu a d’ailleurs trouvé très utile de voir professionnels de la santé et développeurs de programmes réunis.
« Quand ils utilisent une application, ils critiquent vite la convivialité », explique-t-elle. Or face aux gens qui développent ces programmes, force est de constater qu’ils sont jeunes, dynamiques et ouverts d’esprit. Voilà qu’ils ont dû conjuguer leurs efforts pour créer des présentations d’accroche efficaces.
« Travailler avec le milieu des affaires : voilà ce qu’on n’enseigne pas en santé. À l’université, la séparation des disciplines et l’objectif de publier prennent souvent le dessus. Or il importe d’apprendre à travailler avec les gens d’affaires et à se frotter à l’entrepreneuriat », commente-t-il.
Stroulia a expliqué par ailleurs que ses étudiants ont profité des idées pratiques des intervenants en santé. Ils ont ainsi compris qu’une idée incroyable en théorie ne répond peut-être à aucun besoin en réalité.
« Mes étudiants peuvent programmer fort bien, mais ce qui est utile ou non ne va pas forcément de soi pour eux, explique-t-elle. Parfois emportés par le potentiel d’une idée, il arrive qu’on développe des choses sans valeur pratique. »
Durant la fin de semaine, la présence du directeur scientifique d’AGE-WELL, Alex Mihailidis, comme observateur intéressé, aura aussi permis de nourrir les échanges. Des treize équipes ayant commencé la compétition, dix ont croisé le fil d’arrivée. À la fin, quatre ont été sacrées gagnantes.
Le prix IBM Global Entrepreneurship a été décerné à l’équipe ayant conçu Grandpa, un projet qui permet d’établir des barrières géographiques à l’aide d’une application pour téléphone intelligent, et ce, dans le but de protéger les personnes atteintes de démence à risque d’errance.
Blues Alert est une application pour téléphone intelligent qui surveille les activités de son utilisateur pour détecter les signes de la dépression. Ce produit a reçu le prix Hacking Health Choice.
RX Devices a mérité le prix eHUB Choice. C’est une application donnant des instructions sur l’emploi de médicaments et d’appareils, comme les inhalateurs.
BrainGain est une application imaginée par le docteur Mark Chignell, professeur à l’Université de Toronto et chercheur à AGE-WELL. Elle permet d’accumuler des jetons et incitatifs quand la personne atteinte de démence adopte de bons comportements, mais elle permet aussi de dresser un historique des comportements pour en suivre l’évolution. L’équipe a obtenu le droit de participer à la compétition de présentations d’accroche d’AGE-WELL qui se tiendra en juillet 2016, à Toronto. https://agewell-nce.ca/pitch-event