Santé mentale et soins de longue durée

Alex Mihailidis

Quand on mesure l’effet de la pandémie sur le secteur des soins de longue durée (SLD), on s’attarde habituellement aux nombres : les vies perdues et les personnes ayant contracté la COVID‑19. Toutefois, l’histoire ne s’arrête pas là. Même s’ils sont plus difficiles à quantifier, les dommages causés à la santé mentale des résidents, de leurs proches et des soignants sont tout aussi sérieux.

C’est un aspect des SLD qui n’a pas été suffisamment pris en compte et un enjeu pour lequel il existe depuis longtemps des lacunes en matière de politiques et de normes.

J’ai espoir que les choses changent maintenant. Le sous-comité technique que je préside au nom du Groupe CSA travaille sur l’élaboration d’une nouvelle norme relative aux foyers de soins de longue durée, et nous ne nous limitons pas aux bâtiments. Nous voulons aussi appuyer la santé mentale des personnes qui y vivent et de celles qui y travaillent.

Dans le cadre d’un projet parallèle, le Groupe CSA a mené une recherche opportune : Supporting Mental Health and Well-Being in Community Residential Care Setting (soutenir la santé mentale et le bien-être dans les milieux de soins communautaires résidentiels). Le rapport, qui a été publié à la fin de 2021, a éclairé et complété notre travail d’élaboration de norme grâce aux connaissances approfondies de notre sous-comité technique.

Le public n’est probablement pas conscient de l’ampleur des enjeux de santé mentale existant dans les milieux de soins communautaires résidentiels, ce qui inclut les foyers de SLD. Le rapport contient des nombres impressionnants :

Les problèmes de santé mentale sont courants dans les foyers de SLD. En effet, la majorité (76 %) des résidents ont un diagnostic de maladie mentale (40 %) ou de maladie d’Alzheimer ou de démence connexe (36 %). De plus, 40 % des résidents des foyers de SLD souffrent de delirium, jusqu’à 20 % d’entre eux vivent avec un trouble anxieux et entre 6,5 % et 58,4 % des résidents éprouvent des symptômes d’anxiété cliniquement significatifs. De deux à trois pour cent des résidents des foyers de SLD sont atteints de schizophrénie. [traduction]

C’était la situation d’avant la pandémie. Si on y ajoute tous les enjeux liés à l’isolement social et le stress qu’on observe depuis mars 2020, le tableau est assombri. La conclusion du rapport est un appel à l’action limpide dont nous devons tous prendre acte :

Les problèmes et enjeux exposés ne sont pas propices au maintien de la santé mentale et du bien‑être des résidents des foyers de SLD, qui forment une population diverse et vulnérable et qui possèdent des besoins complexes. En raison d’un manque chronique de ressources, d’un effectif instable et recevant un appui insuffisant et d’établissements souvent désuets, beaucoup de milieux éprouvaient de la difficulté à offrir des soins décents même avant la pandémie de COVID‑19. [traduction]

Je suis d’accord. Les soins ont toujours eu tendance à mettre l’accent sur la santé physique; sur ce qu’on pourrait appeler « réparer des bris ». La santé mentale a toujours été une préoccupation secondaire dans le meilleur des cas; elle n’a jamais été traitée comme faisant partie intégrante du programme de soins des résidents. Le rapport jette un éclairage nouveau sur cette question.

Naturellement, notre environnement a un effet sur notre état d’esprit. Quiconque a déjà visité un foyer de SLD connaît le type d’aménagement et les couleurs qu’on trouve dans ces établissements. Cependant, ce ne sont pas des hôpitaux, mais bien des lieux de résidence. Notre sous-comité a accordé et continuera d’accorder beaucoup d’importance à ce sujet.

Le choix d’une couleur de peinture peut sembler superficiel, mais c’est un des nombreux détails susceptibles de faire en sorte qu’un établissement soit un lieu de résidence confortable où on se sent chez soi. Plutôt que de formuler des recommandations uniformisées sur les couleurs, il serait avantageux de tenir compte des préférences de chaque résident. Il est possible qu’avant leur arrivée en foyer de SLD, des résidents aient opté pour des teintes pâles et voilées ou, encore, vives et vibrantes pour leurs résidences. Dans la mesure du possible, il faudrait tenir compte de ces préférences à l’arrivée de ces personnes en foyer de SLD. Des touches personnalisées comme des photos de famille ou des œuvres d’art porteuses de sens peuvent grandement contribuer à ce que les résidents se sentent chez eux.

D’autres choix de décoration peuvent avoir un effet bénéfique sur la santé mentale. Les corridors et les espaces communs devraient être organisés de façon à favoriser les interactions sociales et à être accueillants pour les visiteurs tout en répondant aux normes de sécurité appropriées. Des espaces extérieurs devraient aussi être aménagés pour que les gens puissent passer du temps à l’extérieur et y recevoir des membres de leur famille et discuter avec d’autres résidents.

Des environnements qui permettent de partager un repas dans un endroit qui n’a pas l’apparence d’un établissement de santé peuvent favoriser des pratiques culturelles importantes pour de nombreuses personnes.

C’est un équilibre qui peut être difficile à atteindre. Nous voulons que les chambres des résidents les aident à se sentir chez eux, mais nous devons aussi respecter des normes de contrôle des infections. Les surfaces et les tissus doivent être antimicrobiens et confortables.

Grâce au professionnalisme et à l’expertise des membres de notre sous-comité et aux renseignements fournis par les nombreuses parties prenantes, j’ai la certitude que la norme élaborée fournira des lignes directrices qui seront utiles pour l’atteinte de cet équilibre. Cela étant dit, il nous reste du travail. Nous sommes encore en phase d’écoute et d’adaptation et nous nous préparons à un examen public de 60 jours, qui aura lieu en février. Je vous encourage à lire la norme et à nous envoyer vos commentaires. Nous les lirons tous.

Restez à l’affût de l’annonce de l’examen public!

Il a déjà été publié dans l’espace Communautés CSA pour les foyers de SLD. Pour en savoir plus et participer à la conversation, cliquez ici.