L’entrepreneur Bruce Sharpe s’est inquiété lorsqu’il a remarqué que son beau-père devenait de plus en plus introverti. L’homme âgé était réticent à aller au restaurant et à d’autres endroits bruyants parce que les appareils auditifs qu’il portait depuis des années ne permettaient pas de faire la distinction entre la parole et les autres bruits. Plutôt, ils amplifiaient ou mettaient en sourdine tous les sons, qu’il s’agisse du claquement de la vaisselle, d’un gros rire trois tables plus loin ou de ce que la personne assise directement en face de lui disait.
À la recherche d’une solution, M. Sharpe, qui a un doctorat en physique mathématique, a été attiré par le monde de l’intelligence artificielle (IA), qui travaillait déjà sur ce qu’on appelle communément « l’effet cocktail party ».
« Les résultats obtenus par les laboratoires étaient prometteurs, mais comme la plupart des initiatives d’IA, la solution exigeait beaucoup de puissance pour fonctionner », déclare M. Sharpe dans une entrevue. « Les appareils auditifs et les écouteurs-boutons n’ont pas ce genre de puissance, mais les téléphones intelligents oui. »
Il a donc décidé d’exploiter les aspects de l’IA et de « faire en sorte que les téléphones fassent tout le travail ».
Le résultat est l’application primée HeardThat, produite par Singular Hearing, l’entreprise de M. Sharpe située à Surrey en Colombie-Britannique, une entreprise en démarrage affiliée d’AGE-WELL. L’application fonctionne en établissant un lien avec les appareils auditifs ou les écouteurs-boutons et, lorsqu’elle est placée sur une table et pointée vers un haut-parleur, traite la parole et la renvoie aux utilisateurs par Bluetooth. Un bouton de défilement permet à l’utilisateur de contrôler la quantité de bruits superflus à réduire.
« Tout ce que vous avez à faire, c’est d’appuyer sur le bouton bleu “Démarrer” », déclare M. Sharpe. « Sérieusement, c’est tout. »
Le marché cible est vaste. Selon l’Organisation mondiale de la santé, environ 1,5 milliard de personnes souffrent actuellement d’une perte auditive, un nombre qui ne fera que croître avec le vieillissement de la population. Au Canada seulement, Statistique Canada rapporte que chez les personnes de plus de 70 ans, un certain niveau de perte auditive est pratiquement acquis. Cela peut entraîner un sentiment d’isolement et un déclin général de la qualité de vie.
« Des millions de personnes qui souffrent de perte auditive et qui utilisent des prothèses auditives ont aussi un téléphone intelligent, alors l’application est un avantage net », déclare M. Sharpe. « Nous ne savions pas trop comment les audiologistes réagiraient au produit, mais après avoir parlé à bon nombre d’entre eux, il fait l’unanimité. »
L’application, qui est disponible dans l’App Store et sur Google Play depuis 18 mois, a été lancée officiellement en septembre 2022, un retard attribuable au fait qu’elle a été créée pour être utilisée dans des situations sociales, qui étaient peu nombreuses au cours des premières étapes de la pandémie de COVID-19. Et l’application qui est disponible maintenant est loin des versions plus expérimentales, déjà affinées pour faire face à une grande variété de bruits.
« Bien sûr, nous pouvons toujours en faire plus, et nous exhortons les utilisateurs à utiliser le bouton de rétroaction de l’application pour nous faire savoir comment nous nous débrouillons et quels problèmes ils éprouvent », affirme M. Sharpe.
À l’heure actuelle, les abonnements à HeardThat, qui a remporté le What’s Next Innovation Challenge commandité par AARP Innovation Labs en 2020, sont disponibles sur une base mensuelle ou annuelle. Singular Hearing a également remporté le deuxième prix du Défi d’impact national d’AGE-WELL de 2022.
Malheureusement, son beau-père est décédé avant de pouvoir essayer l’application en contexte réel. Mais le frère de M. Sharpe, qui souffre de « surdité cachée », un problème clinique qui ne peut être détecté par les tests d’audition standard qui se concentrent uniquement sur les problèmes physiques de l’oreille, est devenu un proche collaborateur et supporteur.
De plus, les personnes qui n’ont pas de perte auditive, des gens comme M. Sharpe lui-même, utilisent aussi l’application. Le printemps dernier, par exemple, son frère et lui se sont rendus dans un restaurant à Tampa, en Floride, où l’on trouvait de la bière artisanale et des téléviseurs.
« C’était la finale de la Coupe Stanley, dans laquelle jouait l’équipe de la ville, le Lightning de Tampa Bay », se souvient-il. « Alors que la tempête des acclamations, des huées et des cris faisait rage autour de nous, nous utilisions tous les deux HeardThat, moi avec mes écouteurs-boutons et lui avec ses appareils auditifs, et nous avons profité d’un repas calme et relaxant au cours duquel nous entendions chacun des mots de l’autre. »